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Christian Martin: le romancier, le nouvelliste, le réalisateur, le lecteur
21 décembre 2016

Less Strade: Agent trrrrès spécial -- Le roman - 25e partie

Source: Externe

Tous droits réservés.

 

Épilogue

 

Tnarshalla Vál se sentait des papillons dans le ventre et des fourmis dans les jambes. Le moment auquel elle se préparait depuis trois jours, le moment de passer à l'action était venu.

- Ça va, ma chérie? s'inquiéta son père, assis près d'elle sur la banquette arrière du limo-glisseur. Tu es certaine de vouloir t'en tenir à ce plan ridicule?

- Ce n'est pas un plan ridicule, père! Less, Gus, Broun et moi avons mis des heures à le mettre au point. Ne t'en fais pas, nous avons tout prévu.

Le ministre soupira. Il avait été si heureux de revoir sa fille! Beaucoup moins d'apprendre sa liaison avec da Vernis. Ils s'étaient longuement entretenus, en privé, dans les quartiers de Less, à bord du Coup de pot. Une fois l'abcès crevé, elle l'avait convaincu d'embrasser leur cause.

Tna se souvenait de ces heures passées à élaborer le meilleur plan d'action possible. Grâce à l'Agence, le Coup de pot avait atterri sur Trahjan très discrètement. Valait mieux éviter d'effrayer da Vernis. Pour ce faire, une équipe spéciale, sous les ordres directs du patron de Less, avait rejoint l'aviso dans l'espace et l'avait maquillé soigneusement, l'avait rendu méconnaissable. Ils avaient pu atterrir alors sans attirer l'attention. Tenus en quarantaine avec la complicité de l'Agence, on leur avait fiché la paix jusqu'au jour J. Ce soir. Maintenant!

La jeune femme finit d'enfiler les longs gants qui complétaient sa tenue de soirée.

- Prête? demanda le ministre.

- Prête!

Elle descendit du limo-glisseur dans la nuit dispersée par de puissants projecteurs, attendit son père. Ensemble, ils s'engagèrent dans l'allée verdoyante de l'ambassade de Rerepi, où se retrouverait tout le gratin de Trahjan.

Son ministre de père représentait son escorte officielle. Mais, en s'acheminant vers les hautes portes artistiquement sculptées, Tna jetait de furtifs regards autour d'elle, espérant repérer son escorte officieuse; d'après leur plan, une douzaine d'agents devaient assister à la soirée. Elle n'en reconnut aucun dans ces gentlemen élégants et ces dames moulées dans des robes somptueuses qu'ils croisaient. Elle ne vit même pas Less qui, pourtant, devait se tenir à proximité.

La jeune femme se sentit prise d'appréhension. Et si les choses ne se déroulaient pas comme ils l'avaient prévu? Et si da Vernis n'assistait pas à la soirée? Si les agents n'intervenaient pas à temps? Où diable était Less? Elle aurait aimé l'avoir à ses côtés présentement. Sa présence l'aurait rassurée.

Près de l'entrée, ils saluèrent un groupe qu'ils connaissaient. Leur mine ébahie en disait long sur la surprise que causait la soudaine apparition de Tnarshalla.

Son père présenta leurs invitations au portier qui, après les avoir offertes à un identificateur, les laissa passer.

Dès le vaste et luxueux hall, la fête battait son plein. Un orchestre jouait un air langoureux, sur lequel quelques couples valsaient. Tna ne fit aucune attention à la richesse des tentures qui drapaient les murs, ni aux exquises oeuvres d'art exposées d'abondance, ni à ces lustres magnifiques qui jetaient des éclats sur l'assistance. Non, toute son attention se concentrait sur les visages de l'assistance, parsemées un peu partout en groupuscules. Elle cherchait Cristobal da Vernis.

Totalement absorbée par sa quête, elle oublia qu'elle était la fille du ministre des Finances de Trahjan. Elle oublia où elle se trouvait. 

Puis les gens s'écartèrent et une allée se forma devant elle. Au bout, Cristobal, les yeux agrandis de surprise et... d'appréhension, crut-elle lire. Un masque joyeux couvrit rapidement ses traits. Il vint vers elle, bras tendus.

- Tnarshalla! Quelle joie de vous revoir! s'exclama-t-il. C'est épouvantable ce qui vous est arrivé! É-pou-van-table! ajouta-t-il en lui prenant les mains.

La jeune femme fut décontenancée par cet accueil chaleureux. Elle y retrouvait l'homme qu'elle avait admiré et aimé. À ce moment, elle aurait voulu se réfugier dans ses bras, l'enlacer. Puis elle se rappela l'enlèvement, le comte, ses dents pointues, les marques dans son cou, et une colère froide monta en elle. Brusquement, elle retira ses mains de celles de son ancien amant et le gifla à toute volée.

- HYPOCRITE! lui cria-t-elle. Goujat! Traître!

L'orchestre cessa sa mélopée. Toute l'assistance se tourna vers elle, avide de scandale. Mais Tna n'en avait cure. Elle voulait que tous ces dignitaires sachent quel homme était réellement Cristobal da Vernis.

- Tu m'as fait enlever, reprit-elle, livrer à un vampire! Tu as tout organisé pour pouvoir faire pression sur mon père! Son enquête devenait un peu trop inquiétante pour toi, n'est-ce pas? Il était sur le point de découvrir toutes tes magouilles. Comment ai-je pu m'imaginer que je t'aimais? Tu as bien profité de moi, salaud!

Da Vernis sourit, moqueur, ce qui déconcerta complètement Tnarshalla. Elle venait de l'humilier en public et il souriait!

- Un vampire, ma chère? Vraiment?

- Mes amis, notre petite Tnarshalla a vu un vampire! lança-t-il à l’assemblée.

Et il éclata de rire, incitant l'assistance à l'imiter.

- Ma pauvre petite! plaignit-il. Ma pauvre et chère petite! L'épreuve a dû être terrible pour imaginer toutes ces accusations cruelles. Un vampire!

Et Tna vit enfin le piège dans lequel elle s'était elle-même fourrée en parlant de vampire. Il était facile maintenant pour da Vernis de la faire passer pour folle. Avec tout le gratin de la planète comme témoin, il réussirait même à la faire enfermer à l'asile virtuel.

Désespérée, Tnarshalla ferma les yeux. Un vertige faillit la jeter au sol, mais une poigne solide, dans laquelle elle reconnut son père, la soutint, épargnant le peu de dignité qu'il lui restait encore.

- Da Vernis!

Cette voix, provenant de l'entrée principale, derrière elle, fut comme un baume pour la jeune femme. Elle ouvrit les yeux, un soudain espoir jaillissant de son coeur. Comme Cristobal était pâle! Il regardait au-delà d'elle, et ce qu'il voyait le troublait au plus haut point. Tna s'en réjouit. Une fois de plus, Less accourait à son secours.

- Tnarshalla Vál a des témoins de ce qu'elle avance, poursuivait l'agent. Dont ce charmant monsieur.

La jeune femme pivota finalement vers l'origine de la voix. Près d'un Less chiquement vêtu, avançait Naï Rush, l'homme au chapeau mou, le bras droit de da Vernis. Rush leur avait tout avoué quelques jours plus tôt, à bord du Coup de pot. Pas de plein gré, évidemment! Mais Less disposait de gadgets et de produits irrésistibles. Naï Rush avait fidèlement servi da Vernis. Il avait été son intermédiaire, avait organisé l'enlèvement de Tna. Son apparition rendait da Vernis malade. Car elle signifiait sa fin.

Cristobal da Vernis paniqua. Il voulut s'emparer de Tna, faire d'elle un rempart, mais le ministre contrecarra ses plans d'un solide direct dans ses dents trop blanches. L'industriel recula, sonné, aussitôt saisi par une volée d'agents qui s'étaient précipités.

- Joli coup, Monsieur, complimenta Less.

- Depuis le temps que ça me démangeait, répondit le père de Tna en frottant son poing endolori.

La jeune femme regardait son père, incrédule. Avait-il vraiment frappé da Vernis? Depuis quand savait-il se battre? Elle se dressa sur la pointe des pieds et l'embrassa sur la joue. Ce à quoi il répondit en l'étreignant fortement.

- Mademoiselle, m'accorderiez-vous cette danse?

Tnarshalla se rendit compte que l'orchestre s'était remis à jouer. Elle se tourna vers Less, vit qu'il était sérieux et, avec un léger sourire, lui tendit la main.

*

 

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