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Christian Martin: le romancier, le nouvelliste, le réalisateur, le lecteur
15 décembre 2016

Less Strade: Agent trrrrès spécial -- Le roman - 19e partie

Source: Externe

Tous droits réservés.

 

*

Nous arrivions en vue de la ceinture portuaire.

Une fois sortis d'Ourmanie, la suite de notre descente de la rivière s'était déroulée sans surprises. Nous avions même pu prendre quelque repos après avoir vidé l'eau qui nous trempait les pieds.

Dès que nous aurions accosté, il ne nous resterait plus qu'à gagner le Coup de pot et nos ennuis seraient terminés. Cette phase de la mission irait toute seule, après ce que nous avions traversé.

À la rame, j'amenai notre embarcation jusqu'au rivage. Nous débarquâmes, heureux de retrouver la terre ferme.

Rapidement, nous arpentâmes les rues de la ceinture. Il fallait maintenant trouver un taxi qui nous conduirait à la première bouche du turbo. La chose se révéla plus ardue que prévu. Le quartier dans lequel nous évoluions, un des plus malfamés de la ceinture, n'aidait pas notre cause. Comme si tous les taxis avaient évité le coin.

Nous dûmes marcher, scrutés par des regards avides, évalués par des yeux calculateurs. Valions-nous d'être attaqués et détroussés? Offririons-nous une résistance? Étions-nous quelques touristes égarés? Mépris et doute se heurtaient sur les visages des habitants du quartier. Doute que j'entretenais de mon mieux, par ma démarche et mon expression résolues. Je m'efforçais aussi de me montrer vigilant. Ce n'était pas le moment de tomber sous les coups d'un gang de petits casseurs.

- Tiens, tiens, murmurai-je entre mes dents.

- Qu'est-ce qu'il y a? demanda Tna qui, épuisée, s'appuyait sur moi.

Je l'enlaçais par la taille depuis que nous avions mis pied dans la ceinture, pour la soutenir, bien sûr, mais aussi pour montrer à tous qu'ils auraient affaire à moi si jamais ils s'en prenaient à elle.

- Nous avons de la compagnie, répondis-je, après une observation discrète des lieux. Ne regardez pas, mais là-bas, dans l'ombre, on nous observe.

- Un de plus ou un de moins... Depuis que nous avons quitté le bateau qu'on nous dévisage.

- Mais ce type-là, c'est différent. C'est une vieille connaissance, un intime du comte. Ses petits copains et lui m'ont offert une réception, à la sortie d'un bar, que je ne suis pas prêt d'oublier.

- C'est un ami?

- Disons que nous avons eu de bons contacts... Comment vous sentez-vous, Tna?

- Crevée.

- Tant mieux!

- Tant mieux?

- Mais oui! Ainsi, si on tente de nous tuer, ça ne vous changera pas trop, dis-je, mi-figue, mi-raisin, en me rappelant la nuit que j'avais passée dans la ruelle.

- Qui voudrait nous tuer? Votre petit copain dans l'ombre?

- Entre autres.

Tnarshalla blêmit dangereusement.

- C'est un intime du comte, je vous l'ai dit.

J'avais toujours été doué pour rassurer les gens...

- Allons, ne vous en faites pas, ajoutai-je, quand ma compagne se mit à trembler comme une feuille. Je trouverai bien un moyen d'empêcher cela. Que diriez-vous d'une partie de cache-cache?

- Une quoi? bégaya-t-elle.

Allongeant le pas, je la tirai vers un établissement à la devanture lépreuse, une sorte de bistrot-restaurant-bordel: le Bouille à Baises. Ce genre de maisons closes possédait souvent plus d'une issue dérobée, bien pratiques lors des descentes des autorités.  En payant grassement, on devrait nous permettre d'en emprunter une.

- Bonjour, bonjour, jeunes gens, nous accueillit une dame d'un âge certain, en dentelles. Comme vous êtes matinaux! Que puis-je faire pour vous? Vous voulez déjeuner?

- En fait, nous ne faisons que passer, fis-je en écartant légèrement le rideau d'une fenêtre du bout du doigt.

Le type au chapeau mou n'avait pas bougé. Il se contentait de rester dans l'ombre et d'observer.

Je me détournai de la fenêtre pour regarder la tenancière.

- Très chère, commençai-je. Là dehors, un pas beau au chapeau mou nous harcelle de son attention déplacée. Pourriez-vous nous aider à nous éclipser discrètement?

Sur quoi je sortis de ma poche une carte de débit. Elle la prit délicatement, avec un sourire radieux.

- Mais très certainement, cher ami, répondit-elle, en effectuant la transaction.

Je n'osai regarder la somme dont elle avait purgé mon compte. Je craignais trop d'y voir disparaître toute ma prime de risques de cette mission.

- Venez, poursuivit-elle. Je vous guiderai personnellement.

Nous traversâmes un boudoir, désert à cette heure. Un ascenseur poussif nous mena au quatrième.

- Chut, nous intima la tenancière. Les filles ont eu une dure nuit.

En silence, elle nous conduisit jusqu'au bout du couloir, où elle effectua un mouvement rapide des doigts sur les motifs muraux, et un panneau coulissa devant nous, nous permettant d'accéder à l'édifice voisin.

- Ingénieux.

- Merci. Tout le pâté de maisons m'appartient. Sous différents noms, bien sûr. Mais chut! Discrétion, discrétion.

Couloirs, escaliers, changements d'étages, encore des couloirs, ascenseurs, huitième, sous-sol, troisième, retour au quatrième, rez-de-chaussée, retour sur nos pas, d'autres couloirs. Je finis tout à fait désorienté.

- Nous y sommes, dit alors la dame.

Nous venions de déboucher dans une cuisine décrépite, qui semblait abandonnée depuis des lustres. Une porte donnait sur l'extérieur. Au pied d'un escalier, un glisseur attendait.

- Pour un petit supplément, je vous donne accès à mon glisseur.

Je levai les yeux au ciel et ressortis ma carte. Avec le type au chapeau qui rôdait dans le coin - même si j'étais persuadé, actuellement, qu'avec tous les détours que notre hôtesse nous avait fait faire, il avait perdu notre piste ), notre retour à l'aviso s'avérait impératif.

Nous prîmes congé.

Je dirigeai le glisseur au hasard, histoire de m'assurer que nous avions bien perdu l'homme au chapeau mou, ou tout autre poursuivant. Tranquillisé, je nous dirigeai ensuite vers la plus proche bouche du turbo.

Nous descendîmes. Tout se passait bien. Pourtant, quelque chose me turlupinait. J'avais un mauvais pressentiment.

Je me retirai à l'écart des gens qui s'enfonçaient ou surgissaient de la bouche du turbo avec Tna, pour contacter Gus. Il valait mieux prendre quelques précautions.

Comme je l'avais fait lors de presque tous mes déplacements, j'insistai pour que nous changions de compartiment du turbo à trois reprises. Malgré cela, plus nous approchions de l'aire d'atterrissage du Coup de pot, plus l'inquiétude me gagnait. Nous étions presque arrivés quand mon communicateur tinta. J'établis la communication.

- Garçon, tout est prêt.

- Nous arrivons, Gus.

Lorsque la porte du compartiment coulissa, je sus que nous étions dans le pétrin. Sur le quai, le club des longs couteaux au grand complet nous attendait.

- Quelle bonne surprise! lançai-je en retenant Tna par la manche. Dis donc, mon vieux Sammi, tu as une mine épouvantable. Tu as la migraine?

Le taureau grimaça. De toute évidence, il ressentait encore le contre-coup de la deuxième dose de paralysant que je lui avais infligée. Toutes les terminaisons nerveuses exacerbées, le seul contact de ses vêtements sur sa peau devait lui donner envie de hurler. Quelle scène réjouissante!

L'homme au chapeau mou avait probablement quitté son poste d'observation peu après notre disparition dans le bordel. Je comprenais pourquoi, maintenant, il n'avait pas insisté pour nous suivre. C'était inutile, ayant deviné que j'essaierais de regagner mon aviso.

Les gogos ne perdirent pas de temps. Ils chargèrent tous en même temps, me laissant à peine le loisir de projeter Tna hors de danger et de rouler au sol en dégainant mon paralysant. Ma première décharge frappa Sammi de plein fouet. Pauvre gros!

Par la suite, je n'eus plus le loisir d'user de mon arme; les coupe-jarret étaient sur moi. Toutefois, à cette distance, ils se gênaient considérablement les uns les autres et pouvaient difficilement employer leurs coupe-choux sans se blesser.

Ils les abandonnèrent rapidement, d'ailleurs, comprenant qu'avec leur plan de match leurs poings et leurs pieds seraient plus redoutables.

Je repoussai les avances de Chapeau mou - décidément, celui-là me cherchait des puces ),  pour m'occuper du petit rapide.

En véritable anguille des sables, il me glissa des doigts à trois reprises. Crash! Il me prenait trop de temps, celui-là. Les deux autres allaient me tomber sur la noix d'un moment à l'autre. Je ne pouvais pourtant pas lui tourner le dos!

Soudain, un jet de paralysant frappa le sol tout près de mes pieds. Je jetai un regard vers son origine, prêt à m'éclipser dare-dare. Par Doublezérosept! Tna avait récupéré mon arme et tenait tout ce petit monde en respect. Je la rejoignis, espérant être le seul à remarquer ses mains tremblantes.

- Bien joué, Tna!

Puis, je contactai Gus.

- Gus, annonce le décollage à la tour et enregistre tout ce qui voyage par ondes à partir de maintenant.

- Où étais-tu, garçon?

- Je t'expliquerai plus tard.

Dès que mon ordinateur de bord eut fait part du décollage imminent du Coup de pot, le panneau thermique qui protégeait le turbo et les installations souterraines commença à glisser.

- Il faut y aller, Tna.

Je pris pied sur l'escalier roulant. La fille du ministre me suivit, mais garda son attention sur les malfrats, les empêchant de bouger.

Nous arrivâmes en haut au moment où le panneau terminait son cycle de fermeture. Impossible aux  pas-beaux de nous filer le train.

- Allez, venez! Il est plus que temps de mettre les bouts.

Et, au pas de course, nous gagnâmes mon aviso. Ce cher petit nous attendait, sas ouvert,  paré au départ. La vibration qu'il émettait me réjouissait. Je fermai le sas et m'élançai dans la cabine de pilotage, la jeune femme sur les talons.

- Assoyez-vous là! ordonnai-je en la poussant dans le fauteuil dans lequel Gus était installé.

Impuissante, elle passa à travers l'hologramme qui vociférait d'être traité aussi cavalièrement.

Dès que le fauteuil sentit une présence matérielle, il la sangla.

Pendant ce temps, je prenais place dans mon propre siège et déclenchais le décollage. Comme d'habitude, les anti-g ne suffirent pas à compenser complètement la poussée et je m'enfonçai dans le dossier. L'aviso fonça dans l'espace.

 

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