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Christian Martin: le romancier, le nouvelliste, le réalisateur, le lecteur
13 décembre 2016

Less Strade: Agent trrrrès spécial -- Le roman - 17e partie

Source: Externe

Tous droits réservés.

 

Chapitre 10

 

 

La fille du ministre renouvela sa faible plainte. Était-ce vraiment moi qui la terrorisais ainsi? Elle détourna la tête, tremblante. Averti par mon instinct d'agent spécial, je sus que je n'étais pas responsable de la frayeur de la jeune femme; il y avait quelqu'un d'autre dans la pièce!

Je me retournai, lentement. Le comte, en djellaba fleurie à outrance, me dévisageait.

- Très mauvais choix de garde‑robe, ne pus‑je m'empêcher de remarquer en détaillant l'accoutrement.

- Question de goût, mon cher.

Ses yeux rouges - j'avais toujours été physionomiste - et, surtout, le radiant qu'il braquait sur moi, ne me disaient rien qui vaille.

D'un geste éloquent, il m'enjoignit de me débarrasser de mon arme.

- Je m'interroge, reprit‑il. Que faites‑vous ici?

- Du tourisme, mon cher comte. On m'a dit beaucoup de bien de vos caves. On y meurt avec raffinement, paraît‑il.

J'inventais à mesure, mais cela parut plaire à notre hôte, à en juger par son éclat de rire grinçant.

- Je vois que vous vous intéressez à ma charmante invitée, poursuivit‑il une fois calmé.

Tant que nous discuterions, il ne songerait pas à faire joujou avec son arme. Un radiant, ça vous pulvérisait vite fait. Aucune poésie à mourir de cette façon.

Nous eûmes, pendant un moment, une conversation civilisée, pendant laquelle il me mentionna au passage qu'il avait dû, pour sa santé, adopter un régime à base d'hémoglobine de première qualité.

- En cette époque dépravée, continua-t-il, il est bien difficile de s'en procurer. Il faut parfois user de moyens peu conventionnels, vous en conviendrez.

Absorbé par ses propres difficultés d'approvisionnement, le comte relâcha quelque peu son attention. J'en  profitai pour lui décocher une savate oranaise, qui fit rebondir son radiant à l'autre bout de la pièce.

D'abord surpris, le Gueuhsois réagit tout de même avec une célérité étonnante. Il se jeta sur moi. Son visage vint très près du mien. Trop. Que cherchait-il à faire? M'embrasser?

- Il serait peut-être utile que je vous précise mon orientation sexuelle, mon cher comte, lui soufflai-je au visage.

Il sourit méchamment, révélant ses longues canines. Je ne raffolerais probablement pas de ce genre de baiser, songeai-je. Je n'hésitai plus. Bandant mes muscles, je repoussai avec violence mon prétendant.

À sa visite suivante, il fut cueilli par mon poing ganté. Il recula, chancelant. Puis, dans une grimace de douleur, il cracha une canine.

- C'est ça que d'avoir les dents trop longues, lui lançai‑je, impitoyable.

Je m'attendais à un nouveau round, mais mon adversaire se laissa tomber dans un coin, en gémissant à fendre l'âme, une main sur la bouche. Il était si pitoyable qu'il me donnait l'envie de le consoler...

Mais cela ne dura qu’un moment, toutefois. Je me lassai très rapidement de ses jérémiades et c'est l'envie de le faire taire qui me saisit. Je n'en fis rien, cependant, me contentant de récupérer son radiant et mon paralysant. Puis je revins vers la fille du ministre. Il était plus que temps que je m'en occupe sérieusement.

- Tnarshalla, mon nom est Less Strade. Je suis là pour vous aider, lui murmurai-je en retirant les sangles qui la maintenait sur la table d’examen. C'est votre père qui m'envoie.

La jeune femme grelottait. Je l'aidai à se redresser, mais elle me repoussa doucement et recouvrit sa nudité de son mieux. Oui, évidemment, avant de sortir d'ici, il fallait résoudre ce petit problème. J'allai vers le comte.

- Désolé, mon vieux. Ce n'est pas que j'aie une dent contre vous, lui dis‑je, le plus sérieusement du monde, mais vous conviendrez qu'il serait indécent de faire traverser la ville à la p'tite demoiselle dans sa présente tenue.

Et je lui retirai sa djellaba, sans qu'il fît le moindre geste pour m'en empêcher. Décidément, la perte de sa dent l'avait rendu complètement amorphe. Je remis le vêtement à la jeune femme.

- De toute façon, ce sera plus seyant sur elle que sur vous.

Elle enfila vivement le vêtement et j'entraînai ma protégée  à ma suite. Le comte ne bougea pas d'un poil lorsque nous sortîmes.

Dans le couloir, je verrouillai derrière moi... au cas où le comte sortirait de sa transe.

- Ça ira, Tnarshalla? lui demandai-je en constatant qu'elle grelottait toujours.

- Vous pouvez m'appeler Tna, répondit-elle. Tout le monde m'appelle Tna. Et, oui, ça ira.

- D'accord, Tna. Restez près de moi et je nous sortirai d'ici.

C'était plus vite dit que fait, mais je n'allais tout de même pas communiquer mes doutes à la jeune femme.

Résolument, je tournai le dos à la facilité, la trappe par laquelle je m'étais infiltré chez le comte, et optai pour l'aventure. Je prenais ainsi un risque considérable, ne connaissant rien des dangers que nous réservait ce nouveau trajet. Pourtant, j'étais bien décidé; pas question de repasser par l'antre arachnéen!

Le couloir nu se poursuivait sur quatre ou cinq mètres. De chaque côté, des portes que je ne pris pas le temps d'ouvrir. Il fallait sortir d'ici. Et cela resterait impossible tant que nous n'aurions pas quitté les caves. Il nous fallait trouver un escalier, un ascenseur, un turbolift, un moyen quelconque de gagner l'étage.

Au bout du passage, nous arrivâmes à une salle sombre, encombrée d'objets hétéroclites, de laquelle partaient trois nouveaux couloirs.

- De quel côté? demanda Tna.

J'hésitai brièvement, tentant de m'orienter. J'optai enfin pour celui de droite.

Plus nous avancions dans le couloir, plus j'accélérais le pas, pressé de sortir du piège dans lequel j'avais l'impression de m'enfoncer à chaque foulée. Je dus vite ralentir, cependant; Tna, affaiblie par les mauvais traitements que lui avait fait subir le comte, me suivait difficilement. Bientôt, il me fallut la soutenir. Je craignis même, à un moment, de devoir la porter. L'éventualité ne me souriait guère dans l'état où m'avait laissé le club des longs couteaux. Je nous ménageai une pause.

Par Doublezérosept! Où diable notre hôte avait-il caché son issue vers l'étage? Nous rencontrions des portes et des couloirs transversaux en quantité, mais rien qui ressemblait de près ou de loin à un moyen de quitter ces caves maudites.

Nous reprîmes notre progression.

Puis la nature du décor se modifia. J'eus l'impression que nous venions d'aborder une section nettement plus ancienne de la demeure. Les murs et le sol métalliques firent place à des surfaces de pierres taillées en blocs. L'éclairage diminua considérablement.

Soudain, nous débouchâmes dans une vaste pièce ronde, faiblement illuminée. À première vue, nous étions tombés dans un cul-de-sac.

- Séparons-nous, proposai-je. Il doit bien y avoir un moyen de sortir d'ici.

Je partis d'un côté, Tna de l'autre.

Brusquement, ce que je redoutais depuis le début se produisit: quelqu'un déclencha l'alarme. D'ici peu, la place fourmillerait de gardes.

- Ici! appela Tna.

- Où ça?

- J'ai trouvé, Less! cria-t-elle pour dominer le hurlement de la sirène.

Dès que je la rejoignis, elle me désigna un monte-charge, camouflé derrière des caisses.

- O.K., allons-y!

Je l'aidai à prendre place sur la plate-forme. Je m'y hissai à mon tour en grinçant des dents; mes côtes se réveillaient à nouveau. Lors de ma valse avec le comte, je n'avais pas eu le temps de m'en préoccuper et elles m'avaient laissé en paix. Maintenant, elles se rebellaient. J'aurais bien aimé trouver un moyen de les insensibiliser jusqu'au moment où elles seraient solidement ressoudées.

- Ça va? demanda Tna avec un accent de sollicitude.

- Très bien.

Je trouvai le bouton de mise en marche et le monte-charge commença sa lente ascension. Je ne savais pas où il nous mènerait, mais, je l'espérais, il nous rapprocherait de la sortie.

 

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