Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Christian Martin: le romancier, le nouvelliste, le réalisateur, le lecteur
7 décembre 2016

Less Strade: Agent trrrrès spécial -- Le roman - 11e partie

Source: Externe

Tous droits réservés.

 

*

Sous toute la surface de l'astroport, s'étendait un réseau complexe de tunnels et de couloirs dans lesquels circulaient à grande vitesse ce que l'on appelait des turbos. Il s'agissait de cylindres construits dans un alliage spécial. Une dizaine de personnes pouvaient y prendre place confortablement sur des banquettes.

Une bouche du turbo s'ouvrait près de chaque aire d'atterrissage. Il suffisait d'en appeler un pour que le plus proche du moment se détournât vers votre lieu d'appel. Une fois à bord, vous n'aviez plus qu'à l'informer pour qu'il vous conduisît rapidement à votre destination.

Un tel moyen de transport était essentiel pour circuler sur un astroport de l'importance de celui de Gueuhse, qui accueillait les plus grosses forteresses spatiales et les croiseurs lourds. Les deux immenses secteurs les plus au Nord leur étaient alloués. On réservait les secteurs gamma et delta de l'astroport aux navires de moyens tonnages. Les yachts et autres embarcations du genre se posaient dans les secteurs epsilon et dzêta. Quant aux chasseurs, monoplaces et avisos comme le Coup de pot, quatre petits secteurs, de deux cent cinquante-six places chacun, leur étaient réservés, tout au Sud. Grand comme une métropole majeure, on en aurait eu pour des jours de marche s'il avait fallu traverser l'astroport à pied.

Mon turbo était pratiquement inoccupé, lorsque j'y montai. Un gros astro, chauve, aux yeux bridés et paraissant ivre mort, ronflait sur une banquette. Tant mieux. Moins il y avait de témoins de ma petite excursion nocturne, mieux cela vaudrait.

Je m'assis, déposai sur mes genoux le sac que je portais en bandoulière. Le turbo accéléra. Je me sentis légèrement enfoncer dans ma banquette. De toute évidence, le compensateur gravifique n'arrivait pas à neutraliser complètement la force d'accélération du turbo.

Si je m'étais rendu directement au secteur où était garé le Sanguin, le trajet aurait été bref. Car celui-ci avoisinait immédiatement par le nord le secteur kappa, là où on avait posé le Coup de pot. Mais par mesure de précaution, je descendis à un dock que j'avais choisi au hasard, dans le secteur gamma. J'attendis une dizaine de minutes avant d’appeler un autre turbo, qui me conduisit dans le secteur alpha. Je patientai à nouveau, puis me fis conduire aux édifices administratifs de l'astroport. Finalement sûr d'avoir suffisamment brouillé les pistes, je me fis mener au secteur dzêta, dock dzêta-quatorze. Ainsi, en cas d'enquête, on aurait bien du mal à remonter jusqu'à moi.

Les hangars étaient en sous-sol, comme le réseau de transport de l'astroport. Mais les hangars d'un astroport n'avaient rien en commun avec la conception que l'on se faisait habituellement d'un hangar. En fait, quand on disait qu'un navire était en hangar, c'est qu'il était tout simplement en sous-sol.

Le yacht n'était toutefois pas laissé sans protection. Un puissant champ de force tenait les curieux à l'écart. Il scintillait par moments, révélant sa présence. Cette précaution étant standard, j'avais pris la précaution d'apporter un perce-muraille. L'appareil, gros comme une orange, générait un contre-champ sur une surface réduite.

Je le déposai sur le sol, l'orientai avec soin et l'enclenchai. Un trou circulaire d'une soixantaine de centimètres s'ouvrit dans le champ de force. Je ramassai mon sac, le fit passer dans l'ouverture avant de le suivre.

Le Sanguin avait quelque chose, dans son allure générale, de ces embarcations de plaisance que l'on construisait encore sur certaines planètes pour voguer sur l'eau. Quelques éléments apparents l'en différenciaient, cependant. Le matériau de sa coque, les ailes rétractables, les fusées de direction et les tuyères, par exemple. Il était monté sur des étançons, qui se rétractaient lorsqu'il prenait son vol.

Je me glissai dessous et n'eus aucun mal à découvrir l'écoutille d'accès extérieur à la section moteurs-propulseurs. Il serait plus aisé de pénétrer à bord par cette écoutille que par le sas principal; le système d'ouverture était moins compliqué à décoder et cet accès était moins surveillé électroniquement.

Le décodeur vint rapidement à bout de la serrure. Le panneau de l'écoutille glissa en chuintant. J'enclenchai ma vision nocturne d'un clignement de paupière puis, d'une détente, je me hissai à bord.

J'observai le décor. Évidemment, il me faudrait ramper. Peu importait la taille du vaisseau spatial, l'espace pour manoeuvrer était toujours compté au plus juste. Certes, les humanoïdes n'avaient pas à se balader dans cette section d'un navire, normalement. L'entretien normal et les réparations courantes s'effectuaient automatiquement, avec l'aide d'un petit droïde spécialisé, quand c’était nécessaire. Mais il y avait toujours le risque d'une catastrophe dans l'espace. Les concepteurs auraient pu en tenir compte et faciliter l'intervention humaine, par Doublezérosept, patron des espions!

Me trémoussant sur le plancher, je me hâtai vers le générateur d'appoint, que je coupai. J'aveuglais ainsi totalement le système de sécurité du yacht. Je pus dès lors évoluer dans tout le navire sans plus m'inquiéter d'être détecté. À moins, bien sûr, qu'on ait posté un garde à bord. Mais ça m'aurait étonné.

En rampant, me glissant entre les masses des oeuvres vives du navire, j'atteignis le sas qui me permit de passer dans la section habitable du Sanguin. Je connaissais la topographie générale du yacht pour en avoir visité de semblables à quelques reprises; Broun Yéhead, mon patron, en possédait un. Je savais donc où trouver les cabines dévolues aux passagers.

Sondeur en main, je me dirigeai dans cette direction. L'appareil de détection me confirma l'absence de vie animale ou humaine à bord. Pas de garde, ni de Tnashallura Vál. Je m'en doutais bien. Il aurait été stupide de garder à bord la fifille du ministre. Même le kidnappeur le plus bouché savait que c'était le premier endroit où on la rechercherait.

J'évoluai, sans bruit, dans les coursives, visitai les cabines luxueuses. Mon sondeur, dont j'avais réglé la sensibilité au maximum, me força à recueillir et à analyser de façon plus minutieuse toutes les traces de vie qu'il repérait. J'examinai les literies, les installations sanitaires, pour glaner une pellicule de peau, un poil, un cheveu, que je plaçais dans un analyseur génétique.

Dans la onzième cabine, je découvris un bout d'ongle qui se révéla appartenir à la fille du ministre. Et voilà! J'en avais la preuve! Tnarshalla Vál avait bien voyagé à bord du Sanguin. Je plaçai soigneusement ma pièce à conviction dans un sachet de plastique. Il était grand temps de rendre une visite officielle au propriétaire du yacht: le comte Ratula. J'étais curieux de savoir comment il expliquerait la présence de la fille du ministre des Finances de Trahjan sur son yacht.

*

Publicité
Commentaires
Christian Martin: le romancier, le nouvelliste, le réalisateur, le lecteur
Publicité
Archives
Publicité