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Christian Martin: le romancier, le nouvelliste, le réalisateur, le lecteur
3 décembre 2016

Less Strade: Agent trrrrès spécial -- Le roman - 7e partie

Source: Externe

Tous droits réservés.

 

*

Enfin, le département des ventes! Depuis une vingtaine de minutes, j'évoluais à bord du transporteur spatial que les administrateurs de Lub-Docks avaient fait aménager en bureaux. Très luxueux, vaste et labyrinthique. J'avais dû m'informer à cinq reprises avant d'atteindre ma destination.

En pénétrant dans le département des ventes, je fus aussitôt assailli par un type bedonnant, au teint cuivré, et vêtu à la dernière mode vylsienne: veston, cravate orange fluo, pas de chemise, shorts mi-cuisses et bottes telles qu'on en voyait dans les vieux westerns 2D. Tous les mauvais goûts étaient dans la nature...

- Bonjourbonjourbonjour, mon cher ami, m’accosta-t-il en m'assenant une taloche énergique dans le dos. Je me présente: Yachim Brejniaf, premier assistant et votre humble serviteur. Puis-je vous intéresser à notre catalogue?

Catalogue électronique qu'il plaça de force entre mes mains. Après quoi, il me poussa littéralement sur une chaise. Puis il se colla contre moi, afin de presser lui-même les boutons permettant de tourner les pages virtuelles du catalogue. Encore un collant, songeai-je, dégoûté.

- Nous avons une aubaine incroyable sur les croiseurs légers, cette semaine. Retour d'une commande d'un monarque destitué, qui s'est malencontreusement décommandé. Mais le matériel est comme neuf, je vous le garantis! Vous voulez le voir? Je peux vous y mener, si vous le désirez. Et à 60% du prix de base, vous faites une affaire. Sûr qu'il n'encombrera pas longtemps notre voie de garage.

Je soupirai intérieurement.

- Yachim!

Mon tortionnaire et moi relevâmes la tête au même moment; une jeune femme l'interpellait d'une porte entrouverte.

- Oui, Madame?

- Est-ce que monsieur Strade est arrivé?

- Non, Mad...

- C'estmoic'estmoic'estmoi! lançai-je à toute volée en m'éjectant de ma chaise.

- Monsieur Strade? s'informa la dame, comme j'approchais au petit trot.

- En personne!

Je laissai derrière moi un premier assistant médusé et passai devant la responsable des ventes de Lub-Docks.

- Je n'ai que peu de temps à vous accorder. Vous êtes en retard.

Je fus sur le point de répliquer que ce ne serait pas le cas si son calmar de premier assistant ne m'avait pas retenu, mais à quoi bon. Cela n'aurait que grugé davantage le peu de temps dont je bénéficiais. 

- Désolé, madame, fis-je avec toutes les apparences de la contrition.

Pendant cet échange de civilité, je détaillai la jeune femme: petite, menue, blonde, yeux  marron, menton proéminent. Femme de caractère, de toute évidence. Avec elle, l'approche directe était recommandée.

Elle se présenta: Hantasa Éli. Je fis de même.

- Que puis-je pour vous? demanda-t-elle.

Je lui présentai mon ordre de mission, mes documents d'identification, et passai immédiatement à l'objet de ma visite.

- Je cherche un yacht.

- Quel type?

- Celui-là, dis-je en lui tendant le microdisque que j'avais ramené d'Yssub.

- Oh! s'exclama Hantasa Éli. Nous n'avons pas ce genre de yacht en stock. Nous ne le fabriquons que sur commande.

- Je sais.

- Et vous voulez le vôtre pour quand?

Un silence s'installa. De toute évidence, il y avait malentendu; elle croyait que je voulais acheter un yacht.

- Madame Éli, repris-je. Vous m'avez mal compris. Je veux RETROUVER un yacht particulier, pas en ACHETER un.

- Oh! Désolée. La force de l'habitude, vous comprenez... Et quel est ce yacht particulier que vous désirez retrouver, monsieur Strade?

- Si je le savais, ma chère, je ne serais pas devant vous. Combien de yachts de ce type particulier avez-vous vendus à ce jour? demandais-je en désignant les informations tirées du microdisque.

- De mémoire, je ne saurais vous dire. Mais accompagnez-moi et je vous dirai tout.

- Vous accompagnez? Je veux bien, mais où ça?

Hantasa me décocha un sourire enjôleur, puis commença à se dévêtir. J'avalai la boule de salive qui s'était prise dans ma gorge. Crash! Je n'avais pas de temps pour ce genre de loisir! Puis elle enfila une combinaison caoutchoutée qui épousait ses formes. Je reconnus le vêtement: une interface pour l'informonde.

Bien que je fusse allé à maintes reprises dans ces mondes virtuels créés par ordinateur - l'Agence les utilisait abondamment lors de l'entraînement de ses agents ), je ne les avais jamais aimés. J'en étais toujours ressorti avec la désagréable impression qu'on m'avait joué dans la tête. La combinaison d'interface transmettait, non seulement à l'esprit de l'utilisateur, mais à tout son corps, les diverses sensations voulues par le monde virtuel dans lequel il s'était engagé. Là-dedans, on vous donnait même envie d'uriner, alors que votre vessie était vide.

- Alors, monsieur Strade, vous vous décidez? me pressa la directrice des ventes.

- Vous ne pourriez pas aller chercher l'information et revenir me la dire?

- Auriez-vous peur de vous retrouver seul avec moi dans l'informonde, monsieur Strade? demanda-t-elle, moqueuse. Et puis, si vous ne venez pas, qui vous dira que je ne vous mens pas? 

Elle avait raison. Je soupirai. Si je voulais obtenir ce que j'étais venu chercher, je n'avais pas trop le choix. Je retirai mes vêtements, sous le regard approbateur de la directrice, et m'empressai de revêtir la combinaison-interface.

- Prêt? me demanda-t-elle, une fois que j'eus enfilé les gants et placé le casque sur ma tête.

- Prêt!

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