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Christian Martin: le romancier, le nouvelliste, le réalisateur, le lecteur
27 novembre 2016

Less Strade: Agent trrrrès spécial -- Le roman - Première partie

Source: Externe

À titre de cadeau à mes lecteurs, voici la version 2006 du roman, intitulé à l'époque "Mondes et Magouilles", et qui donna naissance à l'audio-drama "Less Strade: Agent trrrès spécial". Diffusion ici du roman entier d'ici la fin de l'année. Tous droits réservés.

Chapitre 1

 

 

- Je vois... dit le vampire d'un air pensif.

Dépité, j'éteignis l'holoviseur sans plus attendre. Ces vieux films de buveurs de sang ne me disaient absolument rien. Et, comble de malheurs, impossible de changer de chaîne. La dernière tempête avait endommagé mon récepteur et, depuis, il s'entêtait à me présenter une seule des 212 chaînes habituellement disponibles dans cette région: la « Good Old Movies ». C’était à désespérer. Surtout que j'étais tombé sur le mois « Rétrospective vampirique » de la G.O.M.

Lors de mes multiples appels visiophoniques, j’avais exigé, menacé, supplié. En vain. Aucun réparateur ne serait disponible avant soixante jours et c’était tout ce qu’on pouvait m’offrir. C’était à prendre où à laisser. Dépité, j’ai pris. Mais non sans prendre à témoin toutes les divinités cosmiques. Soixante jours condamné à regarder la programmation de la G.O.M.... Crash! Aussi bien m'enfermer tout de suite à l'asile virtuel!

D'un geste frustré, j'enfonçai une touche sur l'accoudoir de mon fauteuil. J'aurais pu aussi appeler mon valet à haute voix ou mentalement; les senseurs de ma demeure auraient capté et transmis mon message. Mais l'écrabouillage de boutons me paraissait beaucoup plus satisfaisant.

- Gérard, je m'emmerde! m'exclamai‑je, dès que je vis apparaître mon valet.

- Peut‑être un encas, Monsieur?

Prévisible. Gérard offrait toujours un encas, en premier lieu. C'était dans son programme.

- Je n'ai pas faim, je m'emmerde!

- Un bon bain sonique, alors, Monsieur?

Logique. Quoi de plus idéal qu'un bain sonique pour décrotter ma peau aux teintes du chocolat? Gérard avait fait taire ses capteurs visuels et analysé mes paroles au pied de la lettre. Pas encore tout à fait au point, nos androïdes. Les subtilités du langage leur échappaient toujours.

- Non, tu ne comprends pas. Je m'ennuie.

- Alors, que diriez‑vous d'une partie d'échecs rapsodiens?

Je soupirai, misérable. Rien ne m'embêtait autant que les échecs rapsodiens, sinon les interminables discours du Président de la République.

Trahjan était considérée par tous, dans la galaxie, comme un petit paradis pour milliardaires. Vrai, il en coûtait une fortune pour y vivre. Mais si on savait à quel point on s'y emmerdait, l'image de marque de la planète tomberait rapidement. Évidemment, aucun commentaire de ce genre ne filtrerait jamais à l'extérieur. Ce serait la chute des prix et pas un de nos dirigeants ne le permettrait. Leur politique était de protéger coûte que coûte la Divine Économie.

- Vous avez un appel, Monsieur. De la part de monsieur Yéhead.

Mon patron? Avec un peu de chance, ce seraient de bonnes nouvelles.

- Passe‑le‑moi, Gérard.

- Bien, Monsieur.

Un rayon lumineux jaillit de la poitrine de mon valet, et Broun, mon patron, apparut au milieu de mon salon.

- Désolé de te déranger, Less.

Less, c'est mon nom. Less Strade. Je suis un grand type, noir de peau, de cheveux et de yeux. Mon boulot: agent très spécial. Le meilleur, à ce qu'on dit.

- Je sais que tes congés mensuels sont sacrés, reprit mon patron, mais c'est important.

- Ouais, bon, ça va pour cette fois, fis‑je en camouflant au mieux ma jubilation.

Enfin un peu d'action!

- La fille du ministre des Finances s'est fait kidnapper en plein astroport!

- Quoi! Tu veux rire!

- Non, crois‑moi! Le papa menace de réduire le déficit, tant il ne se possède plus.

Oh, c'était grave, en effet! Plus personne ne s'était essayé à cela depuis le 20e siècle.

- Elle n'était pas accompagnée de gardes du corps, la fifille‑à‑son‑papa?

- Évidemment, mais, apparemment, ils ont tous été aspergés au paralysant.

Quelle audace! Je n'en revenais pas. Toutes armes dures: radiant, paralysant, bombe hilarante, étaient interdites sur Trahjan. En introduire une seule représentait un véritable exploit.

- Et les autorités de l'astroport?

- Ils n'ont rien vu.

- Étonnant, non?

- Pas vraiment, avec la réception présidentielle.

- Quelle réception présidentielle?

- Tu n'es pas au courant? C'était sur toutes les chaînes d'infos!

- Mon récepteur d'holovision est en panne.

- Encore?!

- Bien oui, encore! Je ferais peut‑être mieux d’envoyer l'appareil au recyclage et de me louer une compagne.

On disait que le service de location s'était nettement amélioré depuis un an ou deux. Heureusement, d'ailleurs! La pub clamait haut et fort et en 3D le zèle de ses membres, mais quand lesdits membres d'une Agence se mettaient à trancher le membre viril des clients à la scie sonique, c'était plutôt mauvais pour les affaires.

- Alors, tu m'expliques? repris‑je, en me secouant.

- Simple. Visite officielle du Yo Guy, d'Ile‑Ligann.

- Le Yo Guy? fis‑je, médusé.

- Ouais. Le chef spirituel et gouvernemental d'un petit monde du quadrant moyen‑oriental. Il faut avouer que les kidnappeurs ont bien monté leur coup. Toute la sécurité de l'astroport n'avait d'yeux que pour le président et le Yo Guy. D'où, facilité déconcertante pour l'enlèvement de la gamine. Tiens, je te faxe une holo.

Dès réception, Gérard me remit la plaquette ultra-mince.

- Elle s'appelle Tnarshalla, Tnarshalla Vál, me confia Broun.

- Les ravisseurs sont toujours sur la planète? interrogeai-je en examinant l'holo attentivement.

Mm... mignonne, la petite. De grands yeux verts, des cheveux bleus lustrés et des lèvres bien pulpeuses et violettes qui faisaient ressortir élégamment son nez tatoué.

- Non. Ils ont fui à bord d'un yacht qu'on aurait juré de plaisance.

- Et le globe?

- Percé comme une vulgaire chaussette!

Crash! Fortiches, les kidnappeurs! Venir à bout du globe n'était pas simple. C'était possible, mais pas simple du tout. Il fallait avoir recours à des moyens impressionnants pour y parvenir. La nature même de cet écran de protection répulsif, à l’intérieur duquel flottait Trahjan, le rendait presque impénétrable.

- Des soupçons? demandai‑je après un moment de réflexion.

- Quant à l'identité des kidnappeurs? Non, pas vraiment. Le ministre jure que c'est un coup du prince Abdul de Rajharan. Il paraît que la vieille bique, qui doit bien avoir 150 ans, a déjà levé les yeux, les mains et... - enfin, tu sais ce que je veux dire - sur la gamine. Ce qui lui a valu de se faire sonner les cloches, si tu me permets l'expression. Elle a du tempérament, la petite. Bref, le vieux aurait juré, une fois rétabli, de s'emparer un jour du petit trésor du ministre, par la force si nécessaire.

- Tu y crois?

- Pas du tout. Je me suis renseigné, le vieux n'est plus l'ombre de lui‑même. Il couche plus souvent avec la mort qu'autre chose. On le maintient en vie pour les apparences et la stabilité politique.

Bon. Nul besoin de mon instinct de limier pour me convaincre qu'il était inutile de poursuivre sur cette voie.

- On a regardé du côté des ennemis du papa? Avec un ministre des Finances, il ne serait pas étonnant que ce soit lui qu'on visait en enlevant sa fille.

- On y a pensé. Et il semble que notre bon ministre ait fait une généreuse récolte de mécontents tout au long de sa carrière. La liste est longue. Ça va nous prendre un moment pour débrouiller tout ça. Je te rappellerai pour te mettre au fait.

Jusqu'ici, les pistes ne fourmillaient pas. Où donc commencerais-je mon enquête si je n'avais même pas une liste de suspects à me mettre sous la dent?

- L'astroport a au moins l'identité du yacht ayant servi à l'enlèvement, dis-je, résolu. Je commencerai par là.

- Inutile.

- Comment ça, inutile?

- Fausse identité.

- QUOI!

- Nous avons vérifié. Les kidnappeurs ont employé le code d'identification d'un yacht, le Camelot, qui se trouve présentement à l'autre bout de la galaxie.

- Tu en es sûr?

- Certain!

Crash! On ne m'offrait même pas de miettes pour résoudre cette affaire!

- Quelqu'un a reconnu un des ravisseurs? demandai-je, sans y croire.

- Non. Ils portaient tous des biomasques à l'effigie de personnalités de Trahjan.

Décidément bien organisés, les sagouins.

- Pour quand veux-tu le retour de la fille? fis-je, sarcastique. Avec le nombre de pistes que tu me fournis, je vais avoir besoin de temps pour toutes les vérifier.

- Ha, ha, très drôle. J'ai tout de même quelque chose pour toi.

- Quoi? Une info aussi utile que la taille des sous-vêtements de la victime?

- Presque. La signature des propulseurs hyperspatiaux du yacht des ravisseurs.

- Parfait! Ça réduit les possibilités à quelques millions de yachts.

- Moins que ça, mon vieux. Cette signature est propre aux propulseurs sortant d'Yssub et à nul autre.

- Yssub?

- Une usine spatiale spécialisée dans les propulseurs hyperspatiaux. Elle tourne autour d'une planète-arsenal, dans le système de Nirom. Sois prudent, il faut montrer patte blanche avant de s'y présenter.

- Soit! Je commencerai par là.

 

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